AFP
19 maggio 2014
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21 maggio 2014

Ritorno a Maaloula
di Rana Moussaui

La città di Maaloula uno degli ultimi luoghi al mondo dove si parlava l’aramaico, la lingua di Cristo, è oggi ridotta a città fantasma. Case e chiese portano i segni degli scontri durati sette mesi; conquistata dai ribelli di Jabhat al-Nusra per la sua posizione strategica è stata “liberata”, secondo la terminologia usata dai media di Asad, dall’esercito governativo e dal potente alleato libanese, le milizie sciite di Hezbollah. I 5000 abitanti sono scappati altrove e prima di ritornare attendono la fine del conflitto in corso.

Plus d’un mois après sa reprise par l’armée syrienne, Maaloula n’est plus que l’ombre d’elle-même, cette localité célèbre pour ses sites de pèlerinage chrétien aujourd’hui complètement abandonnée ressemblant davantage à une ville de garnison. Quelques soldats se prélassent sur la place principale où sont placardées des photos du président Bachar al-Assad ou peints des slogans à sa gloire.

Mais vidée de ses habitants qui parlent encore l’araméen, la langue du Christ, la localité montagneuse est plongée dans un silence absolu que vient interrompre par moments le gazouillis d’hirondelles tournoyant près des grottes troglodytes qui l’entourent et qui datent des premiers siècles du christianisme. “Les habitants viennent ici une heure pour inspecter leurs maisons puis s’en vont”, affirme un des soldats à l’équipe de l’AFP autorisée à visiter la localité située à une cinquantaine de km au nord-est de Damas.

Si les destructions ne sont pas de l’ampleur d’autres régions syriennes comme à Homs en raison du conflit qui fait rage depuis trois ans, les habitations portent les stigmates des combats de près de sept mois entre l’armée et les rebelles, dont des jihadistes du Front Al-Nosra, finalement chassés à la mi-avril: maisons incendiées, fenêtres brisées, portes défoncées et balcons effondrés. Maaloula avait été emportée dans le conflit en raison de sa situation stratégique dans les montagnes du Qalamoun, sur une route reliant Damas au Liban, avant d’être reconquise par l’armée et son puissant allié le Hezbollah chiite.

Le président Assad s’y est rendu le 20 avril à l’occasion de la fête de Pâques. Tout au long du conflit, son régime s’est posé en “protecteur” des minorités religieuses face à ceux qu’il qualifie de “terroristes extrémistes”, un discours qualifié de propagande par l’opposition. Mais malgré le retour de l’armée, la localité en majorité grecque-catholique mais abritant également une minorité musulmane et qui comptait 5.000 habitants avant le conflit, ne semble pas prête de renaître de sitôt.

“Il faut des aides car ici les gens ont tout perdu”, affirme Fassih, l’unique habitant que l’AFP a pu rencontrer près du célèbre monastère orthodoxe de Sainte Thècle, jeune païenne convertie par Saint Paul. Il est venu inspecter son magasin d’alcool, situé en contrebas du monastère construit autour d’une grotte, pour découvrir qu’il était entièrement incendié. Le réfrigérateur a été écrasé contre un mur. “La marchandise a elle seule vaut plus de 66.000 dollars”, dit cet homme. “Ma maison a également été incendiée et pillée, tous les meubles ont été volés”, lâche Fassih d’un air résigné. “Comment voulez-vous que les gens reviennent?” Le monastère de Sainte Thècle, fermé à clé par l’armée, a servi de position aux jihadistes.

A l’intérieur, sur la plupart des peintures et des icônes de la Vierge, de Jésus et des saints, à la place des yeux, des trous ont été creusés. Les chambres des 12 nonnes enlevées en décembre par Al-Nosra avant d’être libérées trois mois plus tard ont été incendiées, des livres pulvérisés et la porcelaine brisée. L’orphelinat situé dans le complexe offre un spectacle désolant de peluches, de dessins et de vêtements d’enfants empoussiérés. Sur la route montant vers le monastère Mar Sarkis (Saint-Serge), on peut apercevoir, à l’entrée des grottes troglodytes, des sacs de sable entassés par les rebelles. Ces derniers avaient pris position sur le haut des falaises au début de l’offensive et notamment dans l’hôtel As Safir, complètement dévasté par les bombardements.

Tout près, le monastère de Serge et Bacchus, endommagé par de nombreux obus, notamment sa chapelle encore couverte de remblais. Ce lieu fondé à la fin du Ve siècle est un des plus anciens monastère du Moyen-Orient et est dédié à deux officiers romains martyrisés en raison de leur foi sous le règne de l’empereur Maximien Galère (250-311). Plusieurs icônes rares y ont été subtilisées et dans le magasin de souvenirs, des évangiles en araméen gisent au sol. Au milieu de ce spectacle de désolation, “qui va rentrer maintenant?” s’interroge un chauffeur de taxi de passage dans sa localité natale. Et d’ajouter: “Probablement personne, les gens vont attendre que la guerre se termine”.

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